Céline, à la première page de son livre « Mort à Crédit », nous confie : « Je n’ai pas toujours pratiqué la médecine, cette merde ». Je n’ai pas non plus toujours pratiqué la médecine, la vraie, celle de tous les jours, que l’on appelle encore parfois la médecine de famille. Mais, hasard malheureux ou non, je n’en suis jamais resté bien éloigné.
N’ayant jamais eu à me préoccuper de la gestion d’un cabinet et de ses aléas comptables, j’ai pu garder des yeux neufs sur le métier et ce d’autant que la misère que j’y ai côtoyée ne m’était jamais imputée de manière définitive. Je ne fus – et ne demeure – qu’un visiteur, un spectateur interactif en quelque sorte.
N’ayant pas non plus eu à subir l’endurcissement obligatoire de la routine et la banalisation du quotidien, je suis resté particulièrement sensible à la misère des hommes et à l’injustice des situations. Surtout à cette injustice.
J’ai eu envie de rapporter quelques unes des histoires que j’ai été amené à connaître. On ne trouvera dans ces quelques pages, ni fil conducteur, ni trame exhaustive, mais seulement des anecdotes que la mémoire, on ne sait pas trop pourquoi, retient sans raison identifiable.
Mais j’aurai quand même mis des années à me convaincre que la Nature est réellement indifférente et que pour elle la souffrance, morale ou physique, n’a aucune importance. Le médecin, par sa présence trop souvent désarmée, est le seul qui puisse apporter un peu du réconfort de la Société à ceux qui subissent, un jour ou l’autre, l’incontournable sort contraire et à ce titre, pour peu qu’il pratique bien son art, on peut dire qu’il est réellement un serviteur de l’Humanité. J’en parle avec d’autant plus de détachement que je ne me considère pas comme faisant partie de ces anonymes indispensables.
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